Une cuirasse en bronze romaine datant de l’époque hellénistique (300 avant J.-C.) devait être vendue par Christie’s, mardi 30 janvier, à New York, avec le reste de la collection du Britannique Christian Levett, exposée pendant douze ans au Musée d’art classique de Mougins (Alpes-Maritimes). La maison de ventes de François Pinault l’a pourtant discrètement retirée fin janvier, « dans le cadre de recherches de provenance en cours », justifie, elliptique, cette dernière, contactée par Le Monde.
L’archéologue grec Christos Tsirogiannis, chargé de la lutte contre le trafic d’antiquités auprès de l’Unesco, sait bien pourquoi Christie’s s’est résolu à la retirer : d’après ses recherches, l’objet avait appartenu à Gianfranco Becchina, un antiquaire sicilien installé à Bâle, condamné en 2011 pour trafic d’objets pillés.
En 2007, ce fin limier avait découvert que l’escroc italien avait consigné la cuirasse dans une vente chez Sotheby’s en 1985. A l’époque, la notice ne mentionne aucun détail de provenance. Dans ces années-là, experts, conservateurs et collectionneurs concentrent leur attention sur l’authenticité des œuvres, en oubliant de se préoccuper de leur origine.
Du pain bénit pour les trafiquants qui les mettent aux enchères sans être inquiétés. Les objets pillés repassent ainsi de main en main et acquièrent une virginité au gré des acheteurs successifs. La cuirasse a ainsi atterri dans les collections d’Axel Guttmann, un important acheteur d’armes anciennes, avant d’être revendue en 2010 au collectionneur Christian Levett.
Sans se concerter avec Christos Tsirogiannis, Maurizio Pellegrini et Daniela Rizzo, un couple d’archéologues romains retraités du ministère de la culture italien, retrouvent aussi la trace de la cuirasse dans les archives de Gianfranco Becchina, confisquées par la police en 2002. Le doute surgit aussitôt dans l’esprit du trio : l’objet proviendrait-il d’un pillage comme la grande majorité des objets ayant transité par le sulfureux marchand ? Christie’s n’a pas souhaité confirmer ces informations.
« La maison de ventes et le collectionneur n’avaient apparemment pas fait toutes les recherches nécessaires, reproche Christos Tsirogiannis. Ils auraient dû interroger les autorités italiennes avant de mettre la collection en vente. » En 2019, Christian Levett avait dû restituer à l’Espagne deux casques en bronze, acquis, eux aussi, dans la vente Axel Guttmann. Une enquête policière avait révélé que cet ensemble avait été pillé sur le site archéologique d’Aranda de Moncayo, à Saragosse (Espagne).
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