Et si c’était ça, le « monde d’après » du commerce de l’art contemporain ? L’écosystème parisien des marchands d’art découvre, ces jours-ci, que leurs habitudes, sédimentées en un demi-siècle, ne sont pas forcément éternelles. Le créneau occupé par la FIAC, la Foire internationale d’art contemporain française, lancée en 1974, fait aujourd’hui l’objet de convoitises, tout comme celui Paris Photo, créée en 1997. A la faveur d’un appel à concurrence publié le 8 décembre par l’établissement public qui abrite les deux événements, la RMN-Grand Palais, et révélé par Le Monde le 23 décembre, l’actuel opérateur, RX France, filiale du groupe anglo-néerlandais RX Global, pourrait perdre son bail au bénéfice d’un nouvel acteur… qui ne s’est pas dévoilé. Avant la très prochaine réunion du conseil d’administration de la RMN-Grand Palais, qui tranchera le débat dans la semaine du 24 janvier, le milieu culturel, côté public comme côté privé, rivalise en jeux d’influence.
Un homme, Chris Dercon, est au cœur des interrogations. A la tête du Grand Palais depuis 2018, ce Belge polyglotte à l’accent flamand et à la crinière blanche, a succédé à Sylvie Hubac, membre du Conseil d’Etat. Choisi pour son audace, il a fait des travaux qui paralysent son monument jusqu’en 2024 un prétexte à rompre toutes les monotonies. Face à un exploitant confortablement installé, cet aventurier de l’art ne s’en est pas laissé compter : pandémie ou pas, il s’est fait fort d’imposer ses vues, et ses tarifs, à la société RX France.
Rapport de force
De bras de fer en bras de fer – le Grand Palais a ainsi exigé une indemnité pour l’annulation des éditions 2020 de la FIAC et de Paris Photo –, il a installé un rapport de force, malgré la migration de l’institution depuis 2021 dans le Grand Palais éphémère. Ce qui n’a manifestement pas échappé à un entrepreneur mystère, lequel a exprimé à M. Dercon son « intérêt sérieux » et proposé de nouvelles foires, aux mêmes dates que la FIAC et Paris Photo.
Sans crier gare, M. Dercon et le directeur général délégué, Emmanuel Marcovitch, ont cherché dans le code de la commande publique l’occasion de rebattre les cartes et d’ouvrir le jeu. Et chacun de s’interroger sur les intentions cachées de M. Dercon : veut-il imposer de nouvelles règles à l’ancien exploitant ou mettre Paris dans la main d’un des mastodontes internationaux du marché de l’art ?
Plus que Frieze, qui appartient à l’Américain Endeavor, le nom d’Art Basel, propriété du groupe suisse MCH, est désormais dans tous les esprits, sur toutes les lèvres, même si ses représentants refusent de commenter l’information. La question à 20 millions d’euros – la somme sur laquelle le futur opérateur devra s’engager sur sept ans – est si sensible que le président de la République en personne a, selon nos sources, interrogé Chris Dercon à ce sujet, le 7 janvier, à l’Elysée.
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